lundi 5 octobre 2015

JE PARS DEMAIN POUR LES VILLAGES

Depuis le 19 juillet, je n'avais pas écrit sur mon blog.

Quelques brouillons non achevés, quelques idées, mais pas de nouvelles récentes à communiquer au sujet des ruches surtout.

Les magnifiques cascades de Banfora
Il faut dire que j'ai reçu de la visite, ma fille au mois de juillet et celle d'une grande amie Catherine au mois d'août. Organiser leur venue, leur séjour et les recevoir m'a paru incompatible avec la tenue de mon blog. J'avais d'autres envies en tête et nous avons passé beaucoup de temps à écouter de la musique, à aller promener dans les cascades et autres pics de Sindou, à rêvasser et échanger, à visiter des musées ou découvrir des  artistes-peintres, bronziers...

Avec ma fille Coline

De gauche  à droite : Cedric, Falaqui, Abou et Catherine
































Entretemps, il était prévu que j'aille réceptionner les ruches auprès du menuisier de Djibasso et les pieds métalliques auprès du soudeur. Le menuisier devait terminer les ruches fin juillet normalement. A chaque fois, il m'a été impossible de me déplacer dans les villages !

Je vous passerai la liste des petits et moyens bobos que l'on peut attraper en Afrique, apparemment mon système immunitaire a une petite baisse de régime et je suis passée par quelques moments difficiles. J'ai même cru à certains moments que j'allais être obligée de rentrer.

J'ai donc décidé d'envoyer Amadou au village de Pia. Amadou est le frère de Moussa, vous savez, mon guide.
Il a 20 ans, vient d'avoir son baccalauréat avec mention, ce qui ici est un exploit. La famille l'a envoyé lui, et lui seul, faire des études. Il bosse énormément. J'ai grande confiance en lui, je savais qu'il exécuterait la mission du mieux possible et surtout qu'il était en capacité de le faire en lien avec les animateurs de l'association locale, Dramane le Président et Moussa son frère.

Amadou, frère de Moussa
Après avoir répertorié les différentes étapes et vérifications qu'il devait faire avant de payer les artisans, Amadou est parti très heureux de pouvoir passer une semaine en famille au village. Je prenais en charge ses frais bien sûr et je lui avais attribué également une rémunération.

Très rapidement, Amadou m'a informé que le soudeur avait terminé son travail et il a payé ce qui restait dû. Par contre, à ce moment précis, le menuisier n'avait exécuté que 30 ruches sur les 41 commandées et aucune barrette.

Petit rappel : les barrettes placées en travers du corps de la ruche de type kenyanne servent de plafond à celle-ci. Elles possèdent une fente qui permet d'accrocher une bandelette de cire. Les abeilles de cette façon sont guidées pour descendre verticalement les cires qui contiendront le miel, le pollen ou le couvain (oeufs et larves).




J'ai fini par apprendre, après que divers interlocuteurs soient passés voir le menuisier, qu'il manquait des tôles pour couvrir les toits de ruches et que celui-ci avait besoin d' une rallonge pour acheter le bois des barrettes.Or j'avais fait une avance de la moitié de la somme due, soit 170 000 fcfa. 

Je me suis trompée dans le nombre de tôles, il y lieu de rattraper cela rapidement. J'avais calculé 5 toits de ruche pour 2 tôles, et j'en avais commandé 15, ce qui dans tous les cas faisait au maximum 37 toits. Or le menuisier compte lui 2 toits par tôle... et il m'en réclame 15 autres, chercher l'erreur !
Pour la rallonge, il a omis de commander le bois nécessaire pour les barrettes  et maintenant, il ne peut plus continuer.

J'enrage car je voulais faire faire ces barrettes à Bobo, elles étaient plus chères, mais j'étais sûre de les avoir en une semaine et le transport aurait pu se faire sur le toit du bus lorsque je montais. Le menuisier qui voulait avoir le marché a tout fait pour me convaincre, réalisant dans la journée quelques barrettes parfaites.
Là maintenant nous sommes très en retard. Les abeilles essaiment en septembre et en mars, cette saison risque d'être perdue.




 







dimanche 19 juillet 2015

LE MORINGA

Moringa Oleifera Lam.


Appellation en français : Ben ailé, Pois quenique, Acacia blanc




Le moringa est un arbre extraordinaire. Il est originaire de l'Inde et est disséminé partout dans les pays tropicaux.

Il pousse rapidement sur sol riche, et aussi bien sur sol pauvre ; il est très peu affecté par la sècheresse.

Cet arbuste à croissance rapide peut atteindre une hauteur de 3 mètres dès la première année et jusqu'à 10 m de haut ensuite avec un fût atteignant 40 cm de diamètre.


 Il y en a plusieurs dans mon jardin.


 

























 La floraison a lieu presque toute l'année, de belles grappes de fleurs blanches au parfum doux.


Un très joli insecte de la famille de nos "gendarmes" je dirais !...

Il distribue sans restriction ses bienfaits.  Les feuilles surtout sont appréciées dans la "sauce feuilles". Avec Angèle qui m'apprend la cuisine africaine, nous les mélangeons aux feuilles d'amarante très utilisées ici au Burkina.


Les feuilles du Moringa sont très riches en fer, calcium, en magnésium, vitamines A et C, en riboflavine, en protéines. Elles sont qualifiées dans les soins de l'hypertension et de la constipation.





















La fructification est environ de 80 kg/an/arbre ; les fruits sont des capsules triangulaires de 30  à 50 cm de long renfermant des graines rondes, noires et huileuses à trois ailes.

Des graines, on retire l'huile de Ben, employée en parfumerie et en horlogerie.


Ces trois ailes des graines, que l'on voit bien sur la photo, leur donnent la capacité de se déplacer rapidement, d'être emportées par le vent sans rouler. Je les retrouve partout dans le jardin, je les ramasse avec soin. Elles se cachent dans les recoins, les creux, sous l'humus et germent rapidement.







Le Moringa est un réservoir de nutriments. Il renferme la vitamine A qui agit comme un bouclier contre les maladies ophtalmologiques et cardio-vasculaires, la vitamine C qui combat une multitude de maladies telles que les rhumes et la grippe, le potassium, très important pour le fonctionnement du cerveau et des nerfs, le calcium, ce nutriment qui sert à bâtir les os et les dents fortes et prévient l’ostéoporose, et les protéines qui maintiennent toutes les cellules de notre corps. 

Des analyses nutritionnelles ont montré que les feuilles de Moringa oleifera sont plus riches en vitamines, minéraux et protéines que la plupart des légumes. Beaucoup de programmes, réalisés avec le concours d'ONG, sont en cours pour développer cette utilisation. Les feuilles de Moringa oleifera permettent de lutter contre la malnutrition et ses maladies associées (cécité, etc.).


Quelques composantes :

Acides aminés :               11 différents sur les 20 indispensables
Vitamine A :                    16,3 mg/100 g
Vitamines B1 à B3 :        31,34
Vitamine C :                    17,3
Vitamine E :                  113
Fer :                                 28,2
Phosphore :                   204
Calcium:                    2 003
Magnésium :                 368
Potassium :                1 324
Soufre :                         870





vendredi 17 juillet 2015

LES ENFANTS JOUENT....

Ils ont de grands espaces pour courir






Le ballon est passé dans la cour, qui va le récupérer en premier ?



Poussez-vous, je veux monter aussi !
Les arbres, terrain de jeux naturel...
























































Beaucoup d'application, que dessine-t-elle ???


Marelle ou danse ? Les deux.



Chez moi, le hamac sert toujours de balançoire.




lundi 6 juillet 2015

CE QUE JE NE VOUS AI PAS ENCORE MONTRE...

Non pas que je voulais vous le cacher, mais commencer par vous présenter cela aurait pu réduire la capacité de votre regard à voir autre chose...

 Je m'explique. Lorsque je suis arrivée pour la première fois au Burkina Faso en février 2013, j'ai été tellement "choquée", au sens littéral du terme, par les détritus et en particulier les sacs plastique qui traînent partout que pendant 3 jours, j'ai été dans l'incapacité de voir autre chose.

La gare routière de Nouna
 Je n'avais qu'une seule envie, prendre un grand sac et ramasser, faire propre... Ces trois jours passés, de façon paradoxale, j'ai eu la sensation de me laver le regard, j'ai pu enfin voir les personnes, les boutiques, l'activité...

Avec ces quelques photos, je vous livre un extrait du chef d'oeuvre "Ebène" de Ryszard Kapuscinski. Lorsqu'il écrit ces lignes, il vient d'atterrir à Accra, la capitale du Ghana, où il arrive comme journaliste. Evidemment, en transposant au Burkina Faso, il y a lieu de supprimer les odeurs d'algues, pas de bord de mer ici, mais pour le reste c'est pareil !...
"Le parfum des tropiques est pourtant différent. Nous ressentons d'emblée son poids, sa viscosité. Il nous signale immédiatement que nous nous trouvons dans un endroit du globe où la vie biologique, luxuriante et inlassable, travaille sans relâche, engendre, croît et fleurit tout en se désagrégeant, en se vermoulant, en pourrissant et en dégénérant.
  C'est l'odeur d'un corps chauffé, du poissson qui sèche, de la viande qui se décompose et du manioc frit, des fleurs fraîches et des algues fermentées, bref de tout ce qui plaît et irrite en même temps, attire et repousse, allèche et dégoûte. Cette odeur nous poursuit, s'exhalant des palmeraies environnantes, de la terre brûlante, s'élevant au-dessus des caniveaux putrides de la ville. Elle ne nous lâche plus, elle colle aux tropiques."

Extrait d' "Ebène, aventures africaines" de Ryszard Kapuscinski chez Plon, 1998. Né en Pologne en 1932, R. Kapuscinski étudie l'histoire, devient reporter et correspondant de l'Agence de presse polonaise. Il est allé pour la première fois en Afrique en 1957 et y a vécu pendant des années.



Une rue "goudronnée" de Bobo-Dioulasso

Rasage de crane en plein air. Vous pouvez acheter les cigarettes à l'unité, par deux ou par trois...

La gare routière de Nouna. Un petit creux ?
Toujours la gare routière !


Je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Là, il fait nuit noire. Nous sommes dans une côte, en panne, à environ 2 km de notre destination finale, Djibasso. Le chauffeur est allongé sous l'engin, je n'ose pas dire le camion, après s'être fait apporter les outils nécessaires de Djibasso. Oui, il arrivera à redémarrer !... C'était en 2014. Je vous rassure, tous les véhicules ne sont pas dans cet état, mais.... il y en a.




samedi 13 juin 2015

PALABRES AVEC LE SOUDEUR ET SON FILS

Je craignais beaucoup ce que j’avais projeté comme une confrontation. J’en avais d’ailleurs fait part au Président Dramane.

A partir de ce que le soudeur avait annoncé : 6 000 FCFA par pied, j'avais fait une estimation du coût total des pieds en ferraille. Il m'en fallait 40 si je prenais des pieds simples. Mais on peut aussi coupler les ruches et les installer sur un pied double. Or lorsque j'avais demandé le prix de ce pied double, le soudeur avait annoncé qu'il faisait ça au même prix. Ca semblait tellement incroyable que je lui avais fait répéter devant Moussa présent à ce moment-là.

Mon calcul avait vite été fait, j'avais commandé 20 pieds simples et 10 pieds doubles. J'économisais ainsi 60 000 FCFA.

Or voilà qu'au téléphone, quelques temps plus tard, le soudeur me faisait demander par l'intermédiaire du président de l'association locale, Dramane, une avance de 200 000 FCFA alors qu'il avait déjà perçu 50 000. Si vous avez suivi, le coût total des pieds de ruche ne devait pas dépasser 180 000 FCFA. Que se passait-il donc ???

J'étais agacée. Ces problèmes d'incompréhension, d'interprétation,  de traduction, sont permanents. La communication est difficile, chacun mettant sous les mêmes termes, des significations différentes, la langue et les réseaux faisant le reste. Là en l'occurrence, je découvre avec stupéfaction, que le soudeur pensait faire 100 pieds de ruche. Où a-t-il été chercher ça ? En fonction du prix de revient, il a pu être question de 50 ruches, voire 60, mais jamais il n'a été question de 100 ruches. J'en déduis que le soudeur a vu "GRAND", qu'il s'est vu percevoir des sommes importantes rapidement (mais ça c’est mon interprétation d’occidentale qui me met déjà en situation d’être agacée et je le suis).

Un peu plus tard, grâce à Djakaria le formateur qui traduit, j'apprends qu'il veut faire payer les pieds doubles deux fois le prix d'un pied simple. Si 6 000 FCFA était absurde, 12 000 FCFA l'est tout autant. Il n'y a jamais deux fois plus de travail, ni deux fois plus de ferraille. Nous décidons que le prix sera au maximum de 7 500 FCFA.

Lorsque nous allons voir le soudeur à Pia, les affaires sont bloquées. Il a arrêté complètement la fabrication des pieds et attend à la fois une autre avance d'argent et un accord sur le prix des pieds doubles. Son fils est présent et va batailler dur sur les prix. Personnellement, je suis dans un état d’esprit de confrontation. Ma décision est prise, s’il ne cède pas (et je ne m’attends pas à ce qu’il cède), je prends ce qui est déjà fait et je fais faire le reste ailleurs.

Les hommes sont réunis autour de l’atelier du soudeur. Il y a là Dramane bien sûr, le président de l’association, Moussa, le soudeur et son fils et un certain nombre de voisins intéressés par l’évolution de la négociation. La conversation se déroule très longuement en dioula.

Les hommes sont entre eux. Ni cris, ni injures, mais plutôt de longues palabres ! Des hommes vont et viennent, chacun donne son avis, le soudeur quitte à plusieurs reprises le terrain puis revient. Chacun déroule ses arguments calmement, seul le fils du soudeur plus jeune et moi-même qui n'ai pas cette culture, nous nous agitons. Je suis un peu frustrée de ne pas pouvoir suivre les conversations et qu’on ne me consulte pas, c’est tout de même moi qui ai les cordons de la bourse, non ? 

Dramane tape sur l'épaule du soudeur, c'est chaleureux, on perçoit de la complicité, de la solidarité.. Finalement, sans que j'aie du tout à intervenir, Dramane m'annonce que c'est d'accord, les pieds doubles sont à 7 500 FCFA. Je n’en reviens pas. Par contre, je refuse d'avancer la totalité du coût, c'est la moitié maintenant, le solde à la livraison (Hé, hé, chat échaudé !).

Admirable ! Admirable de consensus, de maîtrise, de savoir-faire, de stratégie efficace et non-violente. Je me retrouve vraiment « petite » avec ma volonté d’en découdre. Ces hommes ont véritablement une culture de la paix.

J’ai salué la performance et remercié longuement. 

Voici un extrait d’une lettre du célèbre écrivain malien d’origine peule, Amadou Hampâté Bâ :

« L'homme s'identifiait à sa parole, qui était sacrée. Le plus souvent, les conflits se réglaient pacifiquement grâce à la « palabre » : « Se réunir pour discuter, dit l'adage, c’est mettre tout le monde à l’aise et éviter la discorde ». Les vieux, arbitres respectés, veillaient au maintien de la paix dans le village. « Paix ! », « La paix seulement ! », sont les formules-clé de toutes les salutations rituelles africaines. L'un des grands objectifs des initiations et des religions traditionnelles était l'acquisition, par chaque individu, d'une totale maîtrise de soi et d'une paix intérieure sans laquelle il ne saurait y avoir de paix extérieure. C'est dans la paix et dans la paix seulement que l'homme peut construire et développer la société, alors que la guerre ruine en quelques jours ce que l'on a mis des siècles à bâtir ! »

Extrait  de « Lettre dédiée à La Jeunesse » d’Amadou Hampâté Bâ, écrivain malien, 1985 (6 ans avant sa disparition).





vendredi 12 juin 2015

LA PREMIERE RUCHE EST INSTALLEE

Le vendredi 12, Dramane m'invite à aller voir la première ruche installée.

C'est une des ruches que le formateur Djakaria a apportée avec lui lors des journées de formation. Elle n'est pas encore protégée, ni peinture, ni cire ou beurre de karité, ni propolis. Je n'ai pas encore déterminé ce qui était le mieux pour la protection du bois contre le soleil, la pluie, les insectes. Cette protection doit être naturelle sans produit chimique pour que la filière du miel puisse un jour être certifiée "bio". De la même façon, j'ai fait attention à ce que le bois ne soit pas traité. Les abeilles doivent pouvoir trouver un habitat le plus proche possible de ce qu'elles trouvent dans la nature.

La première ruche intallée

Après discussion, les villageois optent pour le beurre de karité qu'ils ont en quantité au village, mais je ne suis pas sûre que ce soit le mieux, c'est une odeur forte, est-ce que les abeilles apprécient ???

Bon, nous partons en moto jusqu'au lieu d'installation sous un arbre. Des villageois ont dit à Dramane qu'ils avaient vu déjà des abeilles entrer et sortir de la ruche. Nous apportons donc nos équipements prêts à ouvrir pour voir le miracle... Déception, il n'y a rien. Nous nettoyons la ruche car effectivement il semble qu'il y ait eu du passage, nous retrouvons de la propolis en quantité, mais pas d'abeilles. Je regarde de plus près et je m'aperçois que Dramane n'a pas mis les amorces de cire nécessaires sous les barrettes pour que les abeilles puissent descendre les pains de miel bien verticalement. Est-ce la raison de la désertion ? Je sors donc toutes les barrettes, nous allons les rapporter au village pour les préparer et venir les remettre ensuite dans la ruche. 


Tout à coup, je vois Dramane s'affairer au sol, en train d'allumer un feu avec des herbes sèches et plusieurs gousses d'où il extrait des fèves. Il prépare l'enfumoir. Je ne comprends pas, je lui signifie que nous n'avons pas besoin d'enfumoir puisqu'il n'y a pas d'abeilles, mais il poursuit son travail imperturbable. Lorsque l'enfumoir est prêt, il s'approche de la ruche et enfume longuement l'intérieur de celle-ci. Il tente alors de m'expliquer (il ne parle que quelques mots de français) que les abeilles aiment beaucoup cette odeur (les fameuses fèves qui brûlent dans l'enfumoir) et qu'elles ne manqueront pas de venir après cet enfumage consciencieux. Nous verrons bien !!! C'est sans doute vrai.

Dramane en plein enfumage de la ruche vide...

mercredi 10 juin 2015

LA TEMPETE

Après avoir rencontré le menuisier, nous repartons vers Pia en moto avec Moussa. Il est déjà 18 h 30 environ. La nuit descend, les gros nuages noirs qui s’accumulent au loin nous inquiètent… Nous devons rentrer avant que l’orage n’éclate.

Les pluies tropicales sont violentes, elles peuvent durer. L’eau ne pénètre pas dans le sol facilement, elle s’écoule donc en grands torrents qui déferlent le long des pistes, sur les pistes, partout…

Moussa est un très bon conducteur. Là où Dramane passe en force car il est grand et costaud, Moussa manie la moto avec précision et finesse. Je suis montée un jour avec un autre villageois, je ne le ferai plus jamais, j’ai eu vraiment très peur, il allait vite et rasait les nombreuses charrettes qui rentraient du marché… Avec Dramane ou Moussa, je suis en totale confiance.

A quelques kilomètres de Saba, annonçant la pluie prochaine, le vent se lève et avec lui des quantités inimaginables de sable. Le sable s’infiltre partout, dans les yeux, les oreilles, la bouche. Je ferme les yeux malgré la protection de mes lunettes, je ne comprends pas comment Moussa continue à avancer, au pas bien sûr. Il faut atteindre Saba avant que ça ne déferle…

Soudain, je sens la moto se coucher doucement sur le côté, prise dans un banc de sable. J’ai largement le temps de me dégager avant qu’elle ne touche le sol. Un bon fou-rire et nous repartons !
Moussa lutte énergiquement contre les éléments, je me protège derrière son dos, priant pour que nous arrivions quelque part et qu’il ne se perde pas. D’ailleurs il se perd, lui-même n’en revient pas, cette piste qu’il connaît par cœur s’est fondue en quelques secondes dans un immense nuage opaque, piquant, violent qui nous bouscule et nous fait sentir tout petits, petits…

Enfin sans transition, le vent cède la place à la pluie, fine d’abord, puis de plus en plus forte. Nous sommes vites trempés, mais Moussa accélère maintenant que la vue est un peu plus dégagée. Ça glisse déjà, mais il faut arriver.
La silhouette des premières cases de Saba se profile. Moussa sûr de lui tourne à droite, entre dans une cour proche… mais pas de lumière. Il n’y a personne !
Il nous faut repartir, le chemin, la route à traverser, le chemin encore, long, puis la case, puis des lumières. Il klaxonne. On sort rapidement pour nous aider, garer la moto à l’abri, nous sécher. J’ai pris mon sac à dos, la valise hermétique peut rester sur la moto.

Il y a dans cette unique pièce, toute la famille, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Tout semble entassé dans un désordre pour nous inimaginable. Les bancs côtoient les casseroles qui elles-mêmes touchent les chaussures… Nous nous installons au centre près de la porte et après avoir bu, on nous propose de partager leur repas, du tau de mil bien sûr avec une sauce « feuilles de baobab ». C’est très bon, et je mange volontiers.

Parenthèse : Le tau est en quelque sorte le plat national. Il peut être préparé à base de farine de maïs ou de mil ou les deux mélangés. Personnellement je n’aime pas le maïs, trop lourd et surtout sans véritable goût. Le mil est beaucoup plus riche et léger. On fait cuire une sorte de bouillie à base de farine et d’eau que les femmes remuent énergiquement (il faut beaucoup de force) pour que ça n’attache et ne brûle pas. On y rajoute souvent de la potasse (je ne sais pas pourquoi). Lorsque le tout est suffisamment épais et cuit, on le verse par couche dans un saladier où le tau refroidit doucement. Il peut alors être servi avec une sauce tomate, feuilles ou graines (palmier, sésame ou arachide) à laquelle on a rajouté quand on peut quelques morceaux de viande ou du poisson séché.

On me propose de me changer, je préfère attendre. J’ai besoin de me laver. Au bout d’une petite demi-heure, la pluie se calme suffisamment pour que nous puissions repartir. Il nous reste encore bien 5 ou 6 km de piste. Tout se passe bien et nous arrivons sans problème à Pia.

Avant labourage, les champs de Dramane avec des tas de compost.

Il pleuvra toute la nuit, des trombes d’eau, à tel point que des fuites apparaissent entre les tôles du toit de ma chambre, heureusement le long des murs de soutien, mais ça coule doucement dans ma direction. Je replie ma natte et surveille du coin de l’œil.

L'eau est là, il est temps !

Les villageois se rendent aux champs
Le lendemain matin, de très bonne heure, tout le monde est prêt à partir aux champs ! Cette fois, ça y est, la saison des pluies a vraiment commencé, l’eau est là. Les villageois vont pouvoir enfin labourer leurs champs et préparer la terre pour les semences de mil, de fonio, de sorgho… Sur tous les visages, de grands sourires immenses, le travail les attend, mais aussi la promesse des récoltes pour l’année à venir… Il est temps !

Au loin à gauche une  parcelle labourée


LES MENUISIERS DE PIA DECLARENT FORFAITS


Au téléphone, je n’avais pas été capable de comprendre réellement la situation. Dramane, le président de « Djigui Sémè » l’association locale d’apiculteurs, ne parle pratiquement pas le français et l’accent de Moussa doublé d’un réseau trop souvent défectueux ne m’avaient pas permis d’entendre les raisons de cet abandon.
 
J’avais juste compris que les menuisiers de Pia ne pouvaient pas faire les ruches. Or, toutes les planches avaient été amenées à Pia (18 km de pistes sablonneuses). Elles avaient voyagé de Djibasso à Pia en charrettes tirées par des ânes, 4 planches par charrette, au moins 6 charrettes mobilisées.

J’avais compris également que Dramane et Moussa s’étaient mobilisés pour trouver un nouveau menuisier à Djibasso, et l’avaient trouvé. Il avait apparemment les machines requises pour effectuer le travail et il souhaitait même avoir le marché des fameuses barrettes.

Je ne désirais pas remonter si tôt au village, la chaleur est encore importante et mon urticaire (allergie à la chaleur combinée à la sueur) prend tout de suite des proportions gigantesques. Mais les problèmes à régler étaient là, avec le menuisier d’abord, avec le soudeur ensuite et il fallait payer les artisans qui avaient commencé à travailler.

Moussa et son merveilleux sourire dans son activité préférée : faire le thé pour tous
En arrivant vers 16 h 30 à Djibasso, c’est Moussa qui est venu me chercher en moto. Je vais saluer la cour de Sally et j’appelle Robert, le représentant ici de l’association « Les Enfants de Djibasso ». Nous allons directement chez le menuisier.

Au centre, Robert de l'association "Les Enfants de Djibasso" pendant les journées de formation


Confirmation est donnée que les deux menuisiers de Pia ont déclaré forfaits, ils ne sont pas suffisamment équipés pour faire 40 ruches, l’épaisseur des planches est importante, ils auront passé près de 4 jours pour sortir chacun une ruche qu’en plus ils n’auront pas montée. Je demande pardon aux amis bricoleurs, menuisiers ou ébénistes et à mon papa, mais vraiment je n’y connais rien en menuiserie et si les villageois eux-mêmes croyaient que leurs menuisiers pouvaient le faire, je ne vois pas pourquoi moi j’en aurais douté…


Vraiment, bravo à Dramane, le Président, et à son bras droit Moussa, d’avoir eu l’initiative de chercher, de s’être investis dans la négociation, car ce nouveau menuisier demandait 5 000 FCfa par ruche. Ils ont bataillé pour qu’il accepte 3 000, prix négocié au départ avec les menuisiers de Pia. Ils auraient pu se dire qu’après tout ce n’était pas leur argent. Je n’ai pas manqué de les féliciter, car c’est exactement ce que je souhaitais, qu’ils deviennent plus autonomes et prennent l’opération en main, même si pour l’instant c’est encore moi qui détiens « les cordons de la bourse » (expression pas véritablement africaine, je vous le concède volontiers, je vais chercher son équivalent).


Dramane Songa, le président de l'association locale "Djigui Sémè Pia1"


Là, plusieurs problèmes se sont présentés à moi :

-         Impossible de compter les planches !...

Le menuisier ne savait pas combien de planches il avait reçues. Il avait beau compter et recompter avec Moussa, ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord. Ils parlaient de morceaux, effectivement il avait reçu des morceaux de ruches découpés, des morceaux de planches aussi.
A Pia, il en  restait 11, Dramane joint au téléphone nous l’a confirmé. Mais il n’a pas dit qu’il y avait encore des morceaux (je les ai vus plus tard). Au final, il en manquait toujours 5 planches, ce qui n’est pas rien.



Après bien des questionnements, le menuisier s’est engagé à sortir les 40 ruches dans ce qu’il avait de bois. Nous avons vu ensemble qu’il pouvait faire des demi-fonds de ruches (l’autre demi étant remplacée par du grillage pour laisser tomber les parasites varroa), et que vue l’épaisseur des planches, il pouvait aussi les dédoubler pour faire deux petits côtés de la ruche par exemple. Bon ce point étant réglé, nous nous mettons d’accord sur un acompte de la moitié, le solde étant versé à la livraison prévue fin juillet. Somme totale prévue : 40 ruches à 3 000 FCFA, plus une à monter, 41 X 3 000, soit 123 000 FCFA.

-          Le menuisier affirme être en capacité de faire les barrettes

Je vous rappelle que cette opération est beaucoup plus technique et nécessite du matériel de précision. Les barrettes doivent avoir 3,2 cm d’épaisseur et une forme bien particulière, de plus elles doivent être fendues dans la longueur de façon à recevoir des bandelettes de cire qui amorcent le travail des abeilles et surtout donnent une direction aux pains de cire qui seront bien verticaux et parallèles.
Nous lui demandons donc un échantillon pour le lendemain, jeudi, jour de marché. Si l’échantillon est conforme, les barrettes pourront être faites également à Djibasso. Les accords de paiement sont les mêmes que précédemment. Nous avons même obtenu un prix par barrette inférieur à tout ce que j’ai pu trouver à Bobo-Dioulasso, le prix minimum trouvé était de 225 FCFA la barrette, le menuisier nous les fait pour 200. Il en faut un millier, somme totale prévue 200 000 FCFA (environ 300 euros)
Le lendemain, jeudi, après quelques ajustements, nous validons les barrettes prototypes réalisées.
Pour ceux qui suivent et s'intéressent au plan "finances", je n'avais pas prévu le bois des barrettes que le menuisier va devoir faire venir de Bobo (pas de bois samba à Djibasso) ; je comptais les faire faire à Bobo Dioulasso justement. Le bois des ruches a été payé et livré, les 3 000 FCFA correspondent uniquement à la main d'oeuvre.

-          Certaines ruches déjà découpées n’ont pas la longueur requise.

Sur mon plan, il faut une longueur intérieure de 82,5 cm et je mesure à peine 78 cm pour celles qui sont déjà découpées. Pourtant le menuisier a mesuré la ruche que j’ai fait acheminer. Où est le problème ??? Je calcule mentalement 24 barrettes à 3,2 cm d’épaisseur, cela donne 76 cm. Elles doivent former un plafond uniforme et serré en haut de la ruche, mais il faut laisser un jeu en cas de fortes pluies et donc d’humidité, le bois va gonfler. Si on ne veut pas que les barrettes se chevauchent et détruisent l’uniformité de ce plafond, y-a-t-il vraiment besoin de 6,5 cm de jeu, cela me paraît beaucoup trop. 

Le plafond de la ruche kenyanne constitué de 24 barrettes

Pourtant l’expert de Bobo a bien insisté sur cette dimension.
J’essaie de le joindre, impossible à cet instant ! Je promets de rappeler dès que j’ai l’information  attendue.

Bon, vous pouvez voir que je n'ai pas chômé dès le premier soir ! Une bonne bière fraîche plus  un en-cas avant de repartir sur Pia. Nous avons une petite heure de pistes en moto.
Le ciel se couvre, les nuages noirs et lourds semblent se diriger sur nous, il est grand temps de partir.

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