mercredi 10 juin 2015

LES MENUISIERS DE PIA DECLARENT FORFAITS


Au téléphone, je n’avais pas été capable de comprendre réellement la situation. Dramane, le président de « Djigui Sémè » l’association locale d’apiculteurs, ne parle pratiquement pas le français et l’accent de Moussa doublé d’un réseau trop souvent défectueux ne m’avaient pas permis d’entendre les raisons de cet abandon.
 
J’avais juste compris que les menuisiers de Pia ne pouvaient pas faire les ruches. Or, toutes les planches avaient été amenées à Pia (18 km de pistes sablonneuses). Elles avaient voyagé de Djibasso à Pia en charrettes tirées par des ânes, 4 planches par charrette, au moins 6 charrettes mobilisées.

J’avais compris également que Dramane et Moussa s’étaient mobilisés pour trouver un nouveau menuisier à Djibasso, et l’avaient trouvé. Il avait apparemment les machines requises pour effectuer le travail et il souhaitait même avoir le marché des fameuses barrettes.

Je ne désirais pas remonter si tôt au village, la chaleur est encore importante et mon urticaire (allergie à la chaleur combinée à la sueur) prend tout de suite des proportions gigantesques. Mais les problèmes à régler étaient là, avec le menuisier d’abord, avec le soudeur ensuite et il fallait payer les artisans qui avaient commencé à travailler.

Moussa et son merveilleux sourire dans son activité préférée : faire le thé pour tous
En arrivant vers 16 h 30 à Djibasso, c’est Moussa qui est venu me chercher en moto. Je vais saluer la cour de Sally et j’appelle Robert, le représentant ici de l’association « Les Enfants de Djibasso ». Nous allons directement chez le menuisier.

Au centre, Robert de l'association "Les Enfants de Djibasso" pendant les journées de formation


Confirmation est donnée que les deux menuisiers de Pia ont déclaré forfaits, ils ne sont pas suffisamment équipés pour faire 40 ruches, l’épaisseur des planches est importante, ils auront passé près de 4 jours pour sortir chacun une ruche qu’en plus ils n’auront pas montée. Je demande pardon aux amis bricoleurs, menuisiers ou ébénistes et à mon papa, mais vraiment je n’y connais rien en menuiserie et si les villageois eux-mêmes croyaient que leurs menuisiers pouvaient le faire, je ne vois pas pourquoi moi j’en aurais douté…


Vraiment, bravo à Dramane, le Président, et à son bras droit Moussa, d’avoir eu l’initiative de chercher, de s’être investis dans la négociation, car ce nouveau menuisier demandait 5 000 FCfa par ruche. Ils ont bataillé pour qu’il accepte 3 000, prix négocié au départ avec les menuisiers de Pia. Ils auraient pu se dire qu’après tout ce n’était pas leur argent. Je n’ai pas manqué de les féliciter, car c’est exactement ce que je souhaitais, qu’ils deviennent plus autonomes et prennent l’opération en main, même si pour l’instant c’est encore moi qui détiens « les cordons de la bourse » (expression pas véritablement africaine, je vous le concède volontiers, je vais chercher son équivalent).


Dramane Songa, le président de l'association locale "Djigui Sémè Pia1"


Là, plusieurs problèmes se sont présentés à moi :

-         Impossible de compter les planches !...

Le menuisier ne savait pas combien de planches il avait reçues. Il avait beau compter et recompter avec Moussa, ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord. Ils parlaient de morceaux, effectivement il avait reçu des morceaux de ruches découpés, des morceaux de planches aussi.
A Pia, il en  restait 11, Dramane joint au téléphone nous l’a confirmé. Mais il n’a pas dit qu’il y avait encore des morceaux (je les ai vus plus tard). Au final, il en manquait toujours 5 planches, ce qui n’est pas rien.



Après bien des questionnements, le menuisier s’est engagé à sortir les 40 ruches dans ce qu’il avait de bois. Nous avons vu ensemble qu’il pouvait faire des demi-fonds de ruches (l’autre demi étant remplacée par du grillage pour laisser tomber les parasites varroa), et que vue l’épaisseur des planches, il pouvait aussi les dédoubler pour faire deux petits côtés de la ruche par exemple. Bon ce point étant réglé, nous nous mettons d’accord sur un acompte de la moitié, le solde étant versé à la livraison prévue fin juillet. Somme totale prévue : 40 ruches à 3 000 FCFA, plus une à monter, 41 X 3 000, soit 123 000 FCFA.

-          Le menuisier affirme être en capacité de faire les barrettes

Je vous rappelle que cette opération est beaucoup plus technique et nécessite du matériel de précision. Les barrettes doivent avoir 3,2 cm d’épaisseur et une forme bien particulière, de plus elles doivent être fendues dans la longueur de façon à recevoir des bandelettes de cire qui amorcent le travail des abeilles et surtout donnent une direction aux pains de cire qui seront bien verticaux et parallèles.
Nous lui demandons donc un échantillon pour le lendemain, jeudi, jour de marché. Si l’échantillon est conforme, les barrettes pourront être faites également à Djibasso. Les accords de paiement sont les mêmes que précédemment. Nous avons même obtenu un prix par barrette inférieur à tout ce que j’ai pu trouver à Bobo-Dioulasso, le prix minimum trouvé était de 225 FCFA la barrette, le menuisier nous les fait pour 200. Il en faut un millier, somme totale prévue 200 000 FCFA (environ 300 euros)
Le lendemain, jeudi, après quelques ajustements, nous validons les barrettes prototypes réalisées.
Pour ceux qui suivent et s'intéressent au plan "finances", je n'avais pas prévu le bois des barrettes que le menuisier va devoir faire venir de Bobo (pas de bois samba à Djibasso) ; je comptais les faire faire à Bobo Dioulasso justement. Le bois des ruches a été payé et livré, les 3 000 FCFA correspondent uniquement à la main d'oeuvre.

-          Certaines ruches déjà découpées n’ont pas la longueur requise.

Sur mon plan, il faut une longueur intérieure de 82,5 cm et je mesure à peine 78 cm pour celles qui sont déjà découpées. Pourtant le menuisier a mesuré la ruche que j’ai fait acheminer. Où est le problème ??? Je calcule mentalement 24 barrettes à 3,2 cm d’épaisseur, cela donne 76 cm. Elles doivent former un plafond uniforme et serré en haut de la ruche, mais il faut laisser un jeu en cas de fortes pluies et donc d’humidité, le bois va gonfler. Si on ne veut pas que les barrettes se chevauchent et détruisent l’uniformité de ce plafond, y-a-t-il vraiment besoin de 6,5 cm de jeu, cela me paraît beaucoup trop. 

Le plafond de la ruche kenyanne constitué de 24 barrettes

Pourtant l’expert de Bobo a bien insisté sur cette dimension.
J’essaie de le joindre, impossible à cet instant ! Je promets de rappeler dès que j’ai l’information  attendue.

Bon, vous pouvez voir que je n'ai pas chômé dès le premier soir ! Une bonne bière fraîche plus  un en-cas avant de repartir sur Pia. Nous avons une petite heure de pistes en moto.
Le ciel se couvre, les nuages noirs et lourds semblent se diriger sur nous, il est grand temps de partir.

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