mercredi 10 juin 2015

LA TEMPETE

Après avoir rencontré le menuisier, nous repartons vers Pia en moto avec Moussa. Il est déjà 18 h 30 environ. La nuit descend, les gros nuages noirs qui s’accumulent au loin nous inquiètent… Nous devons rentrer avant que l’orage n’éclate.

Les pluies tropicales sont violentes, elles peuvent durer. L’eau ne pénètre pas dans le sol facilement, elle s’écoule donc en grands torrents qui déferlent le long des pistes, sur les pistes, partout…

Moussa est un très bon conducteur. Là où Dramane passe en force car il est grand et costaud, Moussa manie la moto avec précision et finesse. Je suis montée un jour avec un autre villageois, je ne le ferai plus jamais, j’ai eu vraiment très peur, il allait vite et rasait les nombreuses charrettes qui rentraient du marché… Avec Dramane ou Moussa, je suis en totale confiance.

A quelques kilomètres de Saba, annonçant la pluie prochaine, le vent se lève et avec lui des quantités inimaginables de sable. Le sable s’infiltre partout, dans les yeux, les oreilles, la bouche. Je ferme les yeux malgré la protection de mes lunettes, je ne comprends pas comment Moussa continue à avancer, au pas bien sûr. Il faut atteindre Saba avant que ça ne déferle…

Soudain, je sens la moto se coucher doucement sur le côté, prise dans un banc de sable. J’ai largement le temps de me dégager avant qu’elle ne touche le sol. Un bon fou-rire et nous repartons !
Moussa lutte énergiquement contre les éléments, je me protège derrière son dos, priant pour que nous arrivions quelque part et qu’il ne se perde pas. D’ailleurs il se perd, lui-même n’en revient pas, cette piste qu’il connaît par cœur s’est fondue en quelques secondes dans un immense nuage opaque, piquant, violent qui nous bouscule et nous fait sentir tout petits, petits…

Enfin sans transition, le vent cède la place à la pluie, fine d’abord, puis de plus en plus forte. Nous sommes vites trempés, mais Moussa accélère maintenant que la vue est un peu plus dégagée. Ça glisse déjà, mais il faut arriver.
La silhouette des premières cases de Saba se profile. Moussa sûr de lui tourne à droite, entre dans une cour proche… mais pas de lumière. Il n’y a personne !
Il nous faut repartir, le chemin, la route à traverser, le chemin encore, long, puis la case, puis des lumières. Il klaxonne. On sort rapidement pour nous aider, garer la moto à l’abri, nous sécher. J’ai pris mon sac à dos, la valise hermétique peut rester sur la moto.

Il y a dans cette unique pièce, toute la famille, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Tout semble entassé dans un désordre pour nous inimaginable. Les bancs côtoient les casseroles qui elles-mêmes touchent les chaussures… Nous nous installons au centre près de la porte et après avoir bu, on nous propose de partager leur repas, du tau de mil bien sûr avec une sauce « feuilles de baobab ». C’est très bon, et je mange volontiers.

Parenthèse : Le tau est en quelque sorte le plat national. Il peut être préparé à base de farine de maïs ou de mil ou les deux mélangés. Personnellement je n’aime pas le maïs, trop lourd et surtout sans véritable goût. Le mil est beaucoup plus riche et léger. On fait cuire une sorte de bouillie à base de farine et d’eau que les femmes remuent énergiquement (il faut beaucoup de force) pour que ça n’attache et ne brûle pas. On y rajoute souvent de la potasse (je ne sais pas pourquoi). Lorsque le tout est suffisamment épais et cuit, on le verse par couche dans un saladier où le tau refroidit doucement. Il peut alors être servi avec une sauce tomate, feuilles ou graines (palmier, sésame ou arachide) à laquelle on a rajouté quand on peut quelques morceaux de viande ou du poisson séché.

On me propose de me changer, je préfère attendre. J’ai besoin de me laver. Au bout d’une petite demi-heure, la pluie se calme suffisamment pour que nous puissions repartir. Il nous reste encore bien 5 ou 6 km de piste. Tout se passe bien et nous arrivons sans problème à Pia.

Avant labourage, les champs de Dramane avec des tas de compost.

Il pleuvra toute la nuit, des trombes d’eau, à tel point que des fuites apparaissent entre les tôles du toit de ma chambre, heureusement le long des murs de soutien, mais ça coule doucement dans ma direction. Je replie ma natte et surveille du coin de l’œil.

L'eau est là, il est temps !

Les villageois se rendent aux champs
Le lendemain matin, de très bonne heure, tout le monde est prêt à partir aux champs ! Cette fois, ça y est, la saison des pluies a vraiment commencé, l’eau est là. Les villageois vont pouvoir enfin labourer leurs champs et préparer la terre pour les semences de mil, de fonio, de sorgho… Sur tous les visages, de grands sourires immenses, le travail les attend, mais aussi la promesse des récoltes pour l’année à venir… Il est temps !

Au loin à gauche une  parcelle labourée


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