«J’approuve que vous existez. [...] Je vous
approuve non pas dans votre différence, non pas dans votre commune humanité
mais dans votre différence et dans votre commune humanité. »
Garapon
A.
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Nous sommes dans la deuxième cour Dramane, c’est-à-dire la
cour de sa deuxième femme, Habi. Cette cour est suffisamment grande, ombragée
pour accueillir tout le monde. Dramane est une sorte de notable ici. Il a
beaucoup de terrains, des troupeaux de bœufs (en fait des zébus), de moutons,
de chèvres, de grands jardins.
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Dramane a donc deux co-épouses, Awa et Habi, deux cours et une
dizaine d’enfants. Awa doit accoucher d’un autre enfant dans un mois. Une cour
ici c’est une habitation avec la maison, la cuisine extérieure, les
dépendances, les toilettes-douche à l’extérieur, les animaux, une place
couverte pour se reposer dehors à l’abri du soleil. Y vivent une femme et ses
enfants. Si un homme a trois femmes, il entretient trois cours.
Habi et Awa |
Les gens arrivent doucement. Le rendez-vous était à 10 h
pour laisser le temps à chacun de faire ses affaires, s’occuper des animaux,
arroser, préparer le repas….
Ils sont finalement 32 à être inscrits officiellement dans
la formation, 32 dont 6 femmes.
En fait 125 personnes sont présentes sans compter les
enfants, 68 femmes et 57 hommes.
Le village de Pia est largement représenté par 112
personnes, 4 hommes et une femme sont venus d’Ira, 1 de Bâ, 3 de Bida, 1 de
Saba, 1 de Sonperiko et 2 de Koronkani.
On met du temps à démarrer vraiment. Robert de l’association
« Les enfants de Djibasso » est venu avec un ami faire
des photos. Tara et Bakary courent chez eux rapporter des bancs et des nattes. Le
tableau de l’école a été déplacé pour servir de support au rouleau de papier
rapporté de France.
Djakaria a disposé les différents matériels, les ruches de
façon à créer un environnement propice.
Spontanément, les femmes se sont assises en arrière sur des
nattes, les hommes sont devant sur des bancs. Nous sommes le premier jour….
Ce que voit les femmes |
Robert, qui travaille dans l’enseignement, engagé
politiquement et sûr de ses convictions, trouve ces pratiques rétrogrades,
commence à s’agiter et à donner de la voix.
Là il se passe quelque chose d’important pour moi, je me
positionne. Je lui demande de se calmer, je dis que je comprends, mais que si
nous sommes là aujourd’hui, c’est parce que depuis 3 ans, j’ai regardé, tenté
de percevoir l’ordre social qui règne ici, je n’ai rien remis en cause d’emblée (et de quel droit
l’aurais-je fait ?).
Je lui demande d’être patient, que les choses vont bouger,
que c’est déjà en route… Je ne sais pas vraiment ce qui me permet d’être aussi
affirmative, mais très rapidement, je demande à Mamoya, cette femme toujours
présente à mes côtés, se positionnant visiblement différemment des autres
femmes, je lui demande de venir près de moi, c’est-à-dire assise à mes côtés au
milieu des hommes sur les bancs. Et elle vient…. Elle répond, elle s’assoit,
pas forcément très à l’aise, mais pas coincée non plus.
A un moment, un homme derrière nous semble la rappeler à l’ordre,
je comprends ce qu’il se passe et je dis « C’est moi qui lui ai demandé de
venir à mes côtés ! ». Alors il se tait et acquiesce.
Mamoya à mes côtés |
J’affirme que c’est
ma patience, mon regard dénué de tout jugement, mon engagement qui ont permis
cette transgression et finalement cette acceptation. Je ne peux pas poser pour
l’instant de théorie sur « la rencontre de l’Autre » mais je lis et
relie, les auteurs que j’ai apportés ici, mon cours sur l’éthique, je vous en
ferai part très prochainement.
D’abord la foule ! Difficile de repérer les gros producteurs
de miel. Il y a ceux que je connais déjà et puis les autres. Attirés par
la formation, la perspective de filière de commercialisation, les plus
importants des apiculteurs sont venus des alentours, de Saba, de Bida, d’Ira….
Beaucoup d’hommes, mais aussi et surtout beaucoup de femmes
et d’enfants…
Dramane introduit la formation, me passe la parole. Je
retrace rapidement l’histoire des rencontres qui ont mené à ces journées sans
oublier « Les Enfants de Djibasso » dont Robert est le représentant
officiel ici. Djakaria traduit.
Dramane, Djakaria et moi |
Je rappelle également que ce sont les dons de nombreux
français de ma famille, de mes amis, de mes collègues apiculteurs, ou de
travail, qui ont permis que ces journées aient lieu avec du matériel et surtout
la perspective d’achat de ruches dont trois sont présentées ici.
Puis Djakaria présente le plan des trois journées de
travail, la troisième étant consacrée à la pratique.
Une négociation a lieu sur les horaires de la formation. Il
est important de laisser chacun s’exprimer. Finalement nous nous entendons sur
9 h- 14 h, le repas étant pris ensuite sur place.
Tout se déroule parfaitement bien. Djakaria nous présente la
physiologie et la biologie de l’abeille, l’organisation de la ruche. Lorsque
j’arrive à suivre, j’ajoute des compléments pour parler de l’abeille
européenne, de nos pratiques, de l’évolution…
Les hommes sont très concentrés à l’avant. Les producteurs
posent des questions pertinentes, directes. Les femmes trop éloignées du
formateur et du tableau, bavardent facilement et se font rappeler à l’ordre. Les enfants sont difficiles à canaliser, pour
eux cela semble être la fête, ils jouent, rient, se cachent, pleurent….
Confirmation me sera donnée que c’est la fête pour eux…
J’apprends à cette occasion qu’ils ne mangent pas habituellement à midi, juste
le matin et le soir, ce que je ne savais pas. En fait, ils attendent
impatiemment le riz qui mijote dans l’immense marmite d’Habi, dans la cuisine
extérieure toute proche. Bon, ce village très harmonieux, l’est au prix de
sacrifices certains, le travail et la faim des enfants, le travail des femmes,
la dureté du travail physique aux champs sous un soleil de plomb le plus
souvent.
Le riz est prêt |
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