dimanche 15 mars 2015

LA FORMATION : 1er JOUR





«J’approuve que vous existez. [...] Je vous approuve non pas dans votre différence, non pas dans votre commune humanité mais dans votre différence et dans votre commune humanité. »
                                      Garapon A.



Nous sommes dans la deuxième cour Dramane, c’est-à-dire la cour de sa deuxième femme, Habi. Cette cour est suffisamment grande, ombragée pour accueillir tout le monde. Dramane est une sorte de notable ici. Il a beaucoup de terrains, des troupeaux de bœufs (en fait des zébus), de moutons, de chèvres, de grands jardins. 

Coller l'adresse suivante dans la barre d'adresse pour voir la cour de Dramane sur Google+: https://plus.google.com/u/0/103921313523961621444/posts/FWBDcoQuKAA?pid=6131582213370402450&oid=103921313523961621444


Dramane a donc deux co-épouses, Awa et Habi, deux cours et une dizaine d’enfants. Awa doit accoucher d’un autre enfant dans un mois. Une cour ici c’est une habitation avec la maison, la cuisine extérieure, les dépendances, les toilettes-douche à l’extérieur, les animaux, une place couverte pour se reposer dehors à l’abri du soleil. Y vivent une femme et ses enfants. Si un homme a trois femmes, il entretient trois cours.

Habi et Awa



Les gens arrivent doucement. Le rendez-vous était à 10 h pour laisser le temps à chacun de faire ses affaires, s’occuper des animaux, arroser, préparer le repas….

Ils sont finalement 32 à être inscrits officiellement dans la formation, 32 dont 6 femmes.
En fait 125 personnes sont présentes sans compter les enfants, 68 femmes et 57 hommes.
Le village de Pia est largement représenté par 112 personnes, 4 hommes et une femme sont venus d’Ira, 1 de Bâ, 3 de Bida, 1 de Saba, 1 de Sonperiko et 2 de Koronkani.




On met du temps à démarrer vraiment. Robert de l’association « Les enfants de Djibasso » est venu avec un ami faire des photos. Tara et Bakary courent chez eux rapporter des bancs et des nattes. Le tableau de l’école a été déplacé pour servir de support au rouleau de papier rapporté de France.

Djakaria a disposé les différents matériels, les ruches de façon à créer un environnement propice.
Spontanément, les femmes se sont assises en arrière sur des nattes, les hommes sont devant sur des bancs. Nous sommes le premier jour….

Ce que voit les femmes

Djakaria




Robert, qui travaille dans l’enseignement, engagé politiquement et sûr de ses convictions, trouve ces pratiques rétrogrades, commence à s’agiter et à donner de la voix. 

Là il se passe quelque chose d’important pour moi, je me positionne. Je lui demande de se calmer, je dis que je comprends, mais que si nous sommes là aujourd’hui, c’est parce que depuis 3 ans, j’ai regardé, tenté de percevoir l’ordre social qui règne ici, je n’ai rien remis  en cause d’emblée (et de quel droit l’aurais-je fait ?).
Je lui demande d’être patient, que les choses vont bouger, que c’est déjà en route… Je ne sais pas vraiment ce qui me permet d’être aussi affirmative, mais très rapidement, je demande à Mamoya, cette femme toujours présente à mes côtés, se positionnant visiblement différemment des autres femmes, je lui demande de venir près de moi, c’est-à-dire assise à mes côtés au milieu des hommes sur les bancs. Et elle vient…. Elle répond, elle s’assoit, pas forcément très à l’aise, mais pas coincée non plus.
A un moment, un homme derrière nous semble la rappeler à l’ordre, je comprends ce qu’il se passe et je dis « C’est moi qui lui ai demandé de venir à mes côtés ! ». Alors il se tait et acquiesce.

Mamoya à mes côtés


 J’affirme que c’est ma patience, mon regard dénué de tout jugement, mon engagement qui ont permis cette transgression et finalement cette acceptation. Je ne peux pas poser pour l’instant de théorie sur « la rencontre de l’Autre » mais je lis et relie, les auteurs que j’ai apportés ici, mon cours sur l’éthique, je vous en ferai part très prochainement.


D’abord la foule ! Difficile de repérer les gros producteurs de miel. Il y a ceux que je connais déjà et puis les autres. Attirés par la formation, la perspective de filière de commercialisation, les plus importants des apiculteurs sont venus des alentours, de Saba, de Bida, d’Ira….
Beaucoup d’hommes, mais aussi et surtout beaucoup de femmes et d’enfants…

Dramane introduit la formation, me passe la parole. Je retrace rapidement l’histoire des rencontres qui ont mené à ces journées sans oublier « Les Enfants de Djibasso » dont Robert est le représentant officiel ici. Djakaria traduit.

Dramane, Djakaria et moi


Je rappelle également que ce sont les dons de nombreux français de ma famille, de mes amis, de mes collègues apiculteurs, ou de travail, qui ont permis que ces journées aient lieu avec du matériel et surtout la perspective d’achat de ruches dont trois sont présentées ici.

Puis Djakaria présente le plan des trois journées de travail, la troisième étant consacrée à la pratique.
Une négociation a lieu sur les horaires de la formation. Il est important de laisser chacun s’exprimer. Finalement nous nous entendons sur 9 h- 14 h, le repas étant pris ensuite sur place.

Tout se déroule parfaitement bien. Djakaria nous présente la physiologie et la biologie de l’abeille, l’organisation de la ruche. Lorsque j’arrive à suivre, j’ajoute des compléments pour parler de l’abeille européenne, de nos pratiques, de l’évolution…
Les hommes sont très concentrés à l’avant. Les producteurs posent des questions pertinentes, directes. Les femmes trop éloignées du formateur et du tableau, bavardent facilement et se font rappeler à l’ordre.  Les enfants sont difficiles à canaliser, pour eux cela semble être la fête, ils jouent, rient, se cachent, pleurent…. 

Confirmation me sera donnée que c’est la fête pour eux… J’apprends à cette occasion qu’ils ne mangent pas habituellement à midi, juste le matin et le soir, ce que je ne savais pas. En fait, ils attendent impatiemment le riz qui mijote dans l’immense marmite d’Habi, dans la cuisine extérieure toute proche. Bon, ce village très harmonieux, l’est au prix de sacrifices certains, le travail et la faim des enfants, le travail des femmes, la dureté du travail physique aux champs sous un soleil de plomb le plus souvent.

Le riz est prêt




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