Une formation, ce n’est pas un simple transfert de
connaissances ou de compétences…
C’est d’abord une rencontre :
- - Deux mondes, peut-être devrais-je dire deux
tendances, deux forces :
o
Des forces qui veulent maintenir l’ordre établi,
qui peuvent parfois freiner par crainte de ne pas maîtriser le changement. Ce
sont des forces vitales qui maintiennent la cohésion et ont permis la survie
jusqu’à présent de ces groupes ethniques avec leur histoire et leurs traditions
dans les villages.
o
Des forces qui veulent faire partie de ce monde
(ce sont eux qui le disent) apparaître sur internet, se moderniser.
Conscients de l’évolution, ils veulent apporter leur part et en bénéficier
(électricité, internet, confort).
-
- Tous observent que les jeunes désertent le
village pendant 6 mois de l’année au moins pour aller gagner quelques sous au
Mali ou en Côte d’Ivoire. Lorsque la saison des pluies arrive avec le mil, ils
reviennent tous pour travailler et préparer les réserves de l’année. Bien sûr,
ils n’arrivent pas vierges, ils ont pris des musiques, vu la ville avec ces
dérives, ces mélanges, ces nouvelles façons de faire. « Alors, on ne salue
plus ! » comme dirait Prévert. Non, on ne salue plus longuement en
tout cas. On se contente souvent d’un « Quo bedi ? » auquel
l’autre répond « Co cagne » : « Qu’est ce qu’il y
a ? » « Y’a rien ! » ou mieux « Ça
va ? » « Ca va ! ».
La formation s’organise sur ces
mouvements parfois contradictoires de forces intimement mêlées.
J’ai l’intuition en tout cas pour
les villages que je connais qu’ils s’en sortent avec beaucoup d’intelligence
parce qu’ils ont toujours été mobiles finalement - il semble y avoir une vraie tradition du
voyage – et aussi avec l’intelligence du cœur. Il y a beaucoup d’attachement,
d’attention, de sollicitude pour la famille, la famille élargie, les voisins,
les étrangers même.
Je vous avais laissé avec
beaucoup de questionnements notamment au sujet de la place de l’association des
apiculteurs Djigui Sémê.
Dès le premier soir, ils se
réunissaient pour parler des nombreuses demandes de participation à la
formation. Comment faire pour réguler, ne pas fâcher les uns ou les
autres ? Ils souhaitaient que les gros producteurs puissent être présents
et il y en avait beaucoup notamment des villages environnants, ils étaient
conscients que les femmes devaient être présentes également (bon s’ils avaient
vraiment pu choisir, pas sûr que…). Donc très vite, ils nous ont demandé au
formateur Djakaria et moi-même d’augmenter le nombre de participants à 30, ce
qui leur permettait d’offrir la formation aux producteurs des villages
alentour. Nous avons accédé à leur demande.
Puis s’est posée la question de
la répartition des ruches et de la participation éventuelle des apiculteurs à
leur achat, étant entendu que les 3 premières étaient offertes à l’association.
Les débats ont duré tard la veille de la formation.
Dramane, le président, était
épuisé. Il avait aussi à organiser les 3 journées sur le plan matériel.
Il lui fallait trouver un tableau
(j’avais apporté feuilles et feutres), des bancs, des nattes, et surtout il
pensait un peu tard au repas de midi inclus dans la formation. Au dernier
moment leur association a offert un sac de riz qu'ils ont complété avec du mil
et nous ont demandé de participer à l’achat des légumes pour la sauce. J’ai
donc pris 20 000 fcfa (30 euros) pour l’achat de ces compléments. Les deux
femmes de Dramane, Habi et Awa, ont mené ce travail important, nous en
reparlerons.
Donc les débats ont duré. Dramane est revenu très tard ce soir-là
dans sa cour. Il nous a annoncé qu’ils avaient évoqué deux possibilités et
nous demanda ce que nous en pensions :
-
- Première possibilité : Toutes les ruches appartiennent à l’association
et sont exploitées par des responsables désignés. Nous opposons à cette
solution que tous ne vont pas pouvoir se
former, qu’ils ne seront pas directement intéressés par la production et que la
majorité d’entre eux risque de passer à côté de
ce changement.
-
- Deuxième proposition : la moitié seulement
des ruches appartient à l’association et est exploitée à Pia même par quelques-uns.
L’autre moitié est répartie dans les villages sous la responsabilité d’un
producteur qui va pouvoir expérimenter et devra remettre la production de miel à
l’association pour la vente. Dramane pense qu’ainsi une émulation devrait se
faire entre les responsables des différents villages et qu’ils verraient bien
qui avaient travaillé correctement ou pas.
Dans tous les cas, il leur apparaissait
impossible de demander une participation financière pour ces ruches car depuis
le début, nous dit-il, il a été annoncé qu’elles seraient distribuées
gratuitement. Entre parenthèses, je ne crois pas avoir annoncé ça clairement,
mais bon. Dans l’avenir pour d’autres ruches, il pense que cela sera possible,
une fois les avantages de la méthode perçus.
L’argent de la vente du miel
devrait servir directement à l’achat de matériel : protections,
décanteurs… Les protections et le matériel apportés sont remis à l’association des apiculteurs et
sous sa responsabilité.
J’ai trouvé que l’association
Djigui Sèmê de Pia 1 avait pris ses
marques et avait joué son rôle. Son leader Dramane s’était affirmé, il lui
reste peut-être à pouvoir s’appuyer plus sur les autres membres de l’association,
sur son secrétaire et son trésorier….
Mais ça c’est le problème de toutes les associations.
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